Selon La Tribune en 2019, 1 jeune sur 5 est confronté à la mobilité géographique en France, avec 163 km parcourus en moyenne. Avec la crise sanitaire, ces chiffres n’ont fait que prendre de l’ampleur. D’après FocusRH, près de 24% des cadres ont vécu une expérience de mobilité géographique en 2022. Quels sont les avantages de changer de lieu de travail et de découvrir une nouvelle ville ? Est-ce que cela engendre forcément la modification du contrat de travail ? Peut-on exiger cette mobilité lors de l'entretien annuel ? Et surtout, quels sont les avantages pour l’entreprise ?
Définition de la mobilité géographique
A la différence de la mobilité professionnelle, la mobilité géographique concerne une mobilité interne du salarié, due à des besoins pour développer le secteur d'activité de l’entreprise, dans une autre région ou à l’international. Les raisons qui poussent une entreprise à proposer une mutation temporaire ou long terme sont nombreuses : ouvrir un nouveau point de l’entreprise, s’ouvrir à de nouvelles opportunités commerciales, déployer son activité et son réseau… Un changement de lieu professionnel impacte forcément la vie personnelle et familiale si le salarié accepte d'être muté.
Où est la clause de mobilité géographique ?
La clause de mobilité géographique professionnelle est inscrite dans un contrat de travail, qu’il s’agisse d'un CDI, d’un CDD ou dans la convention collective. Elle mentionne le droit à une nouvelle affectation sur un autre secteur géographique sur la décision de l'employeur. Il faut savoir que l'absence de clause de mobilité ne permet pas à l’employeur la modification du lieu de travail. Il peut cependant l’obliger à muter dans un secteur géographique proche (changement de locaux dans la région par exemple).
Tous les contrats de travail ne précisent pas les conditions d'application et la mise en œuvre de la clause mobilité. Néanmoins, avec l’essor de nouvelles méthodes de travail, la mutation du salarié devient monnaie courante. Sa prise en compte, lors de la signature du contrat, n’est donc pas à prendre à la légère.
Cependant, si la clause n’est pas la même d’un contrat de travail à un autre, elle doit respecter certaines modalités légales. Il faut donc que la clause de mobilité géographique :
- Soit rédigée clairement dans le contrat de travail,
- Définisse les zones géographiques concernées, ou la zone de mobilité. L’employeur ne peut muter un collaborateur sur une zone géographique non mentionnée dans le contrat même si c'est dans l'intérêt de l'entreprise. Cette demande oblige l’employeur à faire signer un nouveau contrat de travail.
- Soit proportionnée au but recherché. Comme le précise le code de travail, il faut que les objectifs du pouvoir de direction soient égaux à la demande de mutation, qu’ils défendent les intérêts légitimes de l’entreprise. Ainsi, elle n’est pas une atteinte au droit du salarié.
- S’applique uniquement à une société et non à plusieurs du groupe. Par exemple, un salarié n'a pas pour obligation de naviguer entre 2 établissements de l’entreprise, même si les deux sont sur le territoire français.
- Respecte un délai de prévenance ou un délai raisonnable, afin que le salarié ait le temps d’organiser son départ personnel et familial (article L1121-1 du code du travail). Évidemment, il ne faut pas abuser de cette clause. Par exemple, une femme vivant en région parisienne avec un enfant en situation de handicap moteur ne peut pas être mutée à Bordeaux si son poste reste libre. Ne pas respecter un délai raisonnable de prévenance, menant au licenciement d'un salarié sont jugés comme une atteinte disproportionnée aux conditions de travail. C’est considéré ici comme un licenciement sans cause réelle.
- Soit une mutation justifiée. Une mutation géographique doit être motivée par les objectifs de l’entreprise. Elle peut également l’être dans le cadre d’une mutation disciplinaire, mais la faute doit être démontrée comme une cause réelle et sérieuse. Le contrat de travail doit mentionner cette procédure disciplinaire.
Dernière information à connaître sur la clause de mobilité géographique. En cas de refus du salarié, celui-ci a trois possibilités :
- La clause a été bien faite et la mobilité géographique est justifiée : il ne peut pas la refuser ou fera l’objet d’une sanction disciplinaire (rupture du contrat de travail, procédure de licenciement, etc.). Le salarié peut se référer aux conditions de validité et, s’il considère que le licenciement pour faute grave est abusif, défendre ses droits devant le Conseil de prud’hommes. Le salarié protégé doit faire appel du licenciement pour cause réelle et demander des dommages et intérêts.
- La clause est valable mais sa mise en œuvre est considérée comme abusive. Il a le droit de le refuser mais doit prouver la mauvaise foi de l’employeur. Uniquement ces circonstances exceptionnelles peuvent amener au refus de mutation géographique.
- La clause n’est pas précisée dans le contrat comme un accord préalable entre l’employeur et le salarié. Il suffit qu’elle ne soit pas inscrite dans le contrat de travail ou ne respecte pas les conditions mentionnées précédemment , pour être refusée. La validité de la clause étant clairement absente, le salarié à le droit de refuser le changement de poste.
Pourquoi la mobilité géographique devient-elle plus courante en entreprise ?
Revenons à l’intérêt de la mobilité géographique. Celle-ci est donc un levier qui possède un double intérêt. Elle assure la pérennisation de l’entreprise en répondant à ses besoins sur des secteurs géographiques stratégiques. Elle est également un outil qui participe à sa compétitivité, qu’il s’agisse d’une mobilité nationale ou d’une mobilité internationale.
Plus d’adaptabilité, pour plus de rentabilité
Pour les entreprises, la mobilité géographique est un avantage concurrentiel de poids. Plus besoin de recruter ou de former sur un métier rare, ou technique. Il suffit de déplacer le salarié compétent dans le nouveau pôle, afin de ne pas freiner le fonctionnement de l'entreprise. La clause de mobilité géographique imposée au salarié permet de défendre les intérêts de l’entreprise.
La nouvelle affectation du salarié permet de faire bénéficier ses compétences et de faire acquérir de nouvelles compétences auprès de ses nouvelles équipes. Qui plus est, rien n’empêche l’entreprise de faire une promesse écrite d’une promotion, à la suite de la prise de ce nouveau poste.
Dans cet exemple, la responsable de la gestion des ressources humaines a pour mission d’évaluer sa montée de compétences (upskilling) et d’établir si sa nouvelle affectation géographique a été bénéfique pour devenir manager, consultant… Il s’agit donc ici d’une mutation professionnelle bénéfique aussi bien à l'entreprise qu'au salarié.
Par ailleurs, l'employabilité n’est pas la même sur l'ensemble du territoire national. La mobilité des salariés sur le territoire permet d’engager rapidement des compétences parfois enseignées uniquement dans certaines régions. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’il est parfaitement légal de faire signer une clause de non-concurrence dans le contrat. Le salarié doit la respecter, s’il ne veut pas risquer des poursuites pénales. Celle-ci limite son recrutement dans une entreprise concurrente ou pour son propre compte, sur une fonction équivalente.
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Le gros plus : l’acquisition de compétences multiculturelles
Avez-vous déjà entendu parlé du concept de l’intelligence inclusive ? Celle-ci définit l**’intérêt d’un même groupe à échanger** pour apprendre des uns et des autres. Elle a pour objectif de prendre conscience de ses valeurs éthiques, morales et culturelles.
Une implantation plus facile et plus stratégique
Implanter une entreprise à l’international n’est jamais facile entre les nouveaux horaires de travail, les transports en commun, le rythme de vie différent, la situation personnelle qui n’est pas la même, etc. Une entreprise a donc tout intérêt à avoir l'accord du salarié pour le muter sur son nouveau lieu de travail. C’est l’opportunité de former les nouvelles équipes aux objectifs de l’entreprise et à ses process, via un collaborateur connaisseur et de confiance. C’est une solution qui s’avère plus rentable que de multiplier les allers-retours en déplacements longs et coûteux, qui peuvent rapidement fatiguer le salarié talentueux…
Vous l’aurez compris : le déplacement géographique d’un salarié avec de l'ancienneté permet de mieux communiquer sur sa marque, de partager ses valeurs aux nouvelles recrues. La mobilité géographique assure la protection des intérêts de l’entreprise et participe à son expansion sur une zone de mobilité stratégique.
Le salarié muté a une double mission : mieux comprendre son nouvel environnement géographique pour l’entreprise, ainsi que préparer le terrain.
Le management et les revendications d’une nouvelle recrue ne seront pas les mêmes d’une région à une autre et d’autant plus à l’international. A l’écoute de ses équipes, le collaborateur comprend mieux également les enjeux humains et culturels de sa nouvelle région. Il doit donc manager autrement.
D’un point de vue commercial et marketing, le terrain est mieux préparé. Le manager peut rapporter à sa hiérarchie si les prestations et services de l’entreprise sont bien attendus ou, le cas échéant, réajuster l’offre (budget, offres, etc.).
Il faut donc que le manager muté fasse preuve d’ouverture d’esprit, en plus de comprendre les contraintes de la vie familiale et professionnelle de chacun. Avec l’essor des entreprises internationales, s’implanter à l’étranger c’est avant tout comprendre qu’autrui a vécu dans un contexte géopolitique différent et donc développer ses compétences interculturelles (retrouvez une curation sur le sujet dans notre article dédié).
Découvrir notre article sur la gestion des compétences
La mobilité géographique, c’est diffuser sa culture d’entreprise à l’international
La mobilité géographique est un élément essentiel du contrat de travail. Ce petit paragraphe dans le contrat de travail cache en réalité de nombreux enjeux stratégiques, culturels, sociaux et économiques. La mobilité géographique est une réalité qui touche de plus en plus les entreprises en France et à l'international. Établir une telle clause doit cependant respecter plusieurs articles stipulés dans le code du travail.
Établir une politique de mobilité est un avantage concurrentiel, mais également l’opportunité de saisir au mieux la demande du marché étranger. Elle répond également au besoin des salariés d’agrandir leurs horizons professionnels.
Qu’il s’agisse d’une affectation temporaire ou sur le long terme, n’oubliez pas qu’il ne faut pas l’imposer au salarié. L'application de la clause mobilité doit rester une opportunité pour grandir sur le plan personnel et professionnel.
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